« La musique apaise »
Chronique d’un Jour Bleu
Radio Libertaire 20 mars 2022
La musique, comme les plantes ne connaît pas les frontières.
Merveille de l’immatériel et de l’air vibrant qui se déplace sans prendre en compte la géopolitiquetique et l’hypermatérialité du moment.
La musique apaise.
Dans mon Petit Robert j’ai trouvé :Apaiser : 1 – Amener quelqu’un à des dispositions plus paisibles, plus favorables. V : Calmer
2 – Rendre moins violent. V : adoucir, assoupir, endormir
Paisible : 1 – Qui demeure en paix, ne trouble pas la paix. V Calme, pacifique, tranquille
2 – Qui exprime la paix, le calme. V. Serein
3 – Qui ne trouble pas la paix
En chacun de nous vivent des mondes, se côtoient des sensations. En chacun de nous des origines diverses : nous sommes diversités.
Acceptons le risque de vivre libre et divers
Libres penseurs
penseur
penser la paix
vivre la paix
La paix à l’intérieur de nous, là où vivent nos mondes.
Se risquer aujourd’hui à faire marche arrière et à déconstruire les murs que nous avons édifié entre nous et les autres depuis deux ans. Depuis qu’il nous a été dit que l’autre été dangereux, et que la peur s’est immiscée. Les murs sont devenus des murs virtuels, que nous déplaçons avec une facilité déconcertante.
Aujourd’hui ayons le courage d’ouvrir des fenêtres, des portes, ayons le courage de comprendre que l’autre est notre richesse et non notre mort.
Je retiens de ce mois écoulé le discours de François Sureau lors de son entrée à l’Académie Française, et sa citation de Max Gallo : « Les temps sont toujours difficiles pour ceux qui n’aiment pas la liberté ».
Le long chemin de la paix. Les petits pas nécessaires pour aimer, pour comprendre, pour accepter. Pour apaiser, mettre en paix. Chaque geste de ségrégation amène la division et nous rapproche de la guerre.
Prenons le risque d’être libre et divers
le risque de montrer à l’autre notre paix intérieure et non jeter notre « rage contenue ».
Chaque geste d’interdiction d’une culture ne fait que participer à l’escalade.
Je ne suis pas en guerre et mon cœur se veut d’embrasser le monde.
Je vous propose d’écouter Natacha Fialkovsky, dans un chant russe sur un poème de Affanassi Fet (1820 – 1892).
Dans son dernier disque elle chante aussi bien en arménien, en serbe, en russe, en roumain, en ukrainien, ou en tsigane.
La musique, comme les plantes, ne connaît pas les frontières, et se nourrit des migrations et des rencontres.
ÉCOUTE :
Romance, extrait de l’album Gamayun paru en 2017 sur l’Inoui distribution.
Avec Olivier Cahours à la guitare et arrangements,
Pascal Storch : Guitare, chant, cavaquinho, cajon,
Natalia Trocina : Domra,
Thierry Colson : Contrebasse,
Natacha Fialkovsky : Chant et balalaïka.
Il y a deux ans commençaient la pandémie, et peu de jours après le 28 mars 2020 disparaissait Nicolas Colacho Brizuela, guitariste, arrangeur argentin, sa collaboration la plus importante a été avec la grande Mercedes Sosa, pendant trente ans, et sur environ 27 disques.
Célébrer aujourd’hui sa mémoire, car nous n’avons pas pu le faire pendant cette période. Célébrer la vie de ceux qui sont partis.
Nicoàs Brizuela est né à La Rioja, une province du Nord Ouest de l’Argentine à la fin des années quarante. Il grandit dans l’amour de sa famille, même si la vie est d’une grande pauvreté, la plus grande richesse étant l’amour des siens.
Il est le dernier d’une fratrie de 6 enfants, et la musique a une place importante dans toute la famille. C’est son frère Lorenzo qui lui ramène un jour sa première guitare depuis Buenos Aires, et lui transmet les premiers tangos que Nicolas écoutait à la radio.
Son autre frère Alfredo joue lui aussi de la guitare, et c’est autour de Jose Oyola qu’is apprennent le folklore de la Rioja comme la Chaya Riojana.
Nicolàs n’a que 16 ans lorsqu’il participe pour la première fois à Cosquin avec los Hermanos Alabaracin, puis part à Buenos Aires.
C’est une époque où les provinciaux qui arrivent à la capitale restent dans des hôtels ou des conventillos, transportant avec eux les quelques affaires qu’ils possèdent.
C’est en 1969 que Nicolas rencontre pour la première fois Mercedes Sosa, et c’est sur le disque Mercedes Sosa interpreta a Atahualpa Yupanqui en 1977 que Nicolas réalise les premiers arrangements. L’entente avec Mercedes est parfaite et il devient son guitariste stable à la mort de Pepete Bértiz.
Ils sont arrêtés en 1979 lors d’un concert à La Plata et doivent partir en exil en France et en Europe dès la fin de cette année là.
C’est le début de longues années de tournées et de concerts au travers le monde.
Nicolàs était un musicien curieux, et si il a été le créateur d’un style de jeu de la guitare dans le folklore, dans ses tournées il a écouté le jazz de New-York ou tout autre style.
C’est uniquement en 2012, après le décès de Mercedes Sosa en 2009, qu’il enregistre Nos Volveremos a ver, un album dédier à sa passion pour le jazz et la musique de Bill Evans.
C’est à ce moment là que je l’ai rencontré et que j’ai commencé à travailler avec lui.
C’était aussi un grand tanguero, comme son duo avec Rodolfo Mederos en témoigne, et le disque Tangos (Warner), ou bien son disque solo Tangos 12.
Ensemble, nous avons enregistré en duo un disque Cuscaias (paru chez Acqua Records en 2013) sur lequel on peut aussi retrouver Kevin Seddiki (guitare et zarb) et Johanne Mathaly (violoncelle). Nous avons beaucoup tourné ce projet en France et en Argentine.
Et puis Nicolàs a eu envie de revisiter les chants portés par Mercedes Sosa et il a conçu et écrit pourdle trio vocal et instrumental Las Famatinas, qui a sorti en 2020 Asi Seguimos Andando sur le label des Belles Écouteuses.
Et puis… et puis la vie a décidé de lui faire parcourir le monde des étoiles. Merci Nicolas pour ta musique et ta générosité à la partager.
ÉCOUTE
Soledad de Suna Rocha paru chez ACQUA RECORDS
Album Sos Agua
Guitare Colacho Brizuela
Suna Rocha est une chanteuse argentine de folklore qui a été la révélation de Cosquin en 1981 avec Raul Carnota.
N’oublions pas que la musique, comme les plantes ne connaît pas les frontières, et osons, osons le risque de vivre libre et divers !!