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Le temps, l’espace, de rêver, créer, respirer

Diversité musicale et bio-diversité

Cycle – tempérament – infini

ÉCOUTE :
La esperanza, Ninon Valder // Live de Ninon Valder – flûte

Chronique d’un jour bleu,
bleu comme le fil de l’horizon,
bleu comme les possibles de notre être
comme les vibrations infinies de notre créativité.

– Quelle musique pour notre Monde, Musique d’ici et d’ailleurs –

Nous avons la chance d’avoir sur la Terre une multitude de lieux de vie, de manière de penser et de formes de vie. Cela s’accompagne, ou part d’une diversité d’environnement : climat, chaleur, longueur du jour, froid, neige, humidité…
Il y a des lieux avec des cycles climatologiques à quatre saisons, d’autres à deux…
Tout cela se reflette dans la musique, car l’environnement sonore se transforme : le type d’insectes, les espèces d’oiseaux, d’animaux, leurs cris et crissements vrombissant dans nos oreilles nous font savoir l’heure, la température, l’état de tension du monde extérieur.
Quel impact a l’unification de notre mode de vie sur nos musiques et nos systèmes de pensées ? Sur nos êtres, nos joies, notre équilibre et nos déséquilibres (maladie) ?

Je regarde et j’observe

J’observe l’évolution du festival de Cosquin, où fût découverte la grande Mercedes Sosa, mais aussi Jorge Cafrunes et bien d’autres encore. Ce festival argentin, qui est le plus important du folklore, se déroule dans un petit village dans la province de Cordoba. Il était possible au début d’écouter voix guitare, ou voix bombo avec un petit microphone et une très simple amplification.
Mais qu’est-ce qui a fait monter le niveau sonore ? Sommes nous devenus plus sourds (avec nos oreilles, mais aussi sourds à nous mêmes) ?
Peut-être simplement le facteur de l’industrialisation rentre en compte. L’apparition des machines, les frigos, les voitures – même si celles-ci sont laissées à l’écart durant le festival – laissent dans « le fond de l’air » un ronronnement de ventilation, qui peut arriver à couvrir beaucoup de choses comme le bruit des insectes, le son du vent. Pour passer au dessus de ce doux et permanent bruit de fond, les sons ont été amplifiés, le course a commencé.
Loin de moi la pensée de dire qu’il nous faut tout annuler, tout a une raison d’être.

Donc nous sommes passés d’un son acoustique à un son amplifié.

Évolution, évolution.

J’ai déjà parlé du rythme et des cycles dans une chronique cette année, cela reste un sujet qui me fascine, et parfois m’attriste. Car il y a une mode à un cycle unique à 4, ou alors carrément, à 1, où il n’existe plus que l’immédiateté absolue de la consommation et non plus le cycle du développement et de l’évolution de la musique.

Faisons un petit voyage vers le corps et la danse. La danse et plus particulièrement les danse traditionnelles ont aussi des cycles qui correspondent à des chorégraphies. Comme chacune d’entre elles décrit des tours et des figures différentes, elles requièrent de la musique une organisation différente : merveille où la musique appuie le besoin de chaque peuple de démontrer sa beauté, de séduire l’autre, de créer des moments où vivre ensemble et faire société. Il y a la danse folle des guerriers grecs, où un cycle à 7 temps s’emballe, il y a les danses traditionnelles françaises, les tarantelles, une liste infinie, comme est infinie la créativité de l’Homme et de notre monde.

Les relations entre les choses étant ce qu’elles sont, le macro se retrouvant dans le micro et le micro dans le macro, je vous invite à retrouver cette liberté de pensée, de corps et retrouver notre identité plurielle dans un monde tendant à la globalisation.
Heureusement certains artistes font merveille avec tout ça, et je voudrais vous faire écouter Etienne M’Bappe & the Prohpets.
Originaire du Cameroun, Etienne est bassiste et au travers de sa carrière en France a développé un contact avec bien des musiques. Ici une rencontre avec le monde argentin, qui a donné une milonga en 7, aux influences caribéennes, jazz avec son ensemble de sept musiciens. Nous avons Christophe Cravéro (piano acoustique et électrique ), Anthony Jambon (guitare), Clément Janinet (violon), Arno de Casanove (trumpet, bugle), Hervé Gourdikian (saxophone ténor), and Nicholas Viccaro (batterie, percussion).

ÉCOUTE :
Milonga in 7 ( to Astor Piazzolla ) // extrait de How near how far – Etienne M’Bappe & the Prophets //
Abstract Logix – 2016 – 4’14

Après cette belle écoute de ce que l’art et le talent peuvent créer, je reviens sur une question qui se pose à moi, récurrente ces dernier temps : comment un instrument numérique fait-il pour s’ajuster à la vibration d’un autre instrument ? Car oui, le travail du musicien est bien de se relier à l’autre par le son, par la vibration, et est aussi de s’ajuster à l’autre : en hauteur, en vitesse, en division du temps, en harmonie.
Mais est-il possible qu’un sample (un échantillon de son qui sera reproduit à l’identique chaque fois que nous le rappellerons) se transforme sous l’émotion humaine ? Comment agit la température, le niveau d’humidité, et tous ces facteurs qui rendent une chose unique, existant seulement dans l’instant présent, irrépétible et merveilleuse.
L’émotion passe par la justesse, par des variations infinies du « placement » rythmique, du « placement » des notes en rapport à leur échelle (gamme), à leur rapport à leur terre (fondamentale).

Le cœur du musicien, ce qu’il veut dire au plus profond de son être est ce qui va organiser son discours, ses sons. Pourquoi joue-t-on ?
Hier je suis allée écouter le grand acteur de Peter Brook : Yoshi Oida qui parlait de son travail dans le spectacle « 4 questions à Yoshi Oida » par Maxime Kurvers à la maison du Japon dans le cadre du Festival d’Automne. Il y a des questions communes aux arts de la scène, et je voudrais vous rapporter ici une d’entre elle. Joue-t-on pour de l’argent, dans une relation simple spectateur, auditeur ? Ou alors faisons nous partie d’un tout, et alors l’artiste questionnne l’invisible qui ensuite atteint le spectateur ? Alors la question qui devient centrale la relation, l’être ensemble et l’écoute.

Pourquoi cela me fait penser à la biodiversité : car si l’on n’écoute plus qu’un seul rythme de musique, avec une seule intonation et un seul temps absolu donné par un métronome, machine non connectée aux battements de notre cœur, ceux là même qui régissent le rythme de notre propre vie. Alors dans ce monde à une seule option où sont les milliards d’insectes aux rythmes variés, les milliards de possibilités entre deux notes (ce que les indiens appellent les shrutis). Où est l’accélération qui emmène dans la musique de transe ?

La musique organise la matière, et notre matière, comme la bio-diversité est complexe. La réduire à l’efficacité est réduire notre vie, notre pensée à l’efficacité. C’est rabaisser ce que vaut cette vie que nous vivons et laisser pour morts les rêves de découverte de nos possibles, laissant champ libre à des réalités finies, manipulables. L’art crée des espaces intérieurs précieux, des diversités de vision, soigne, étourdi, fait vibrer.

Écoutez, sentez, vivez !

Pour terminer je vous invite sur les chemin du monde avec Henri Agnel et son ensemble.

Après avoir travaillé de magnifiques répertoires poétiques et musicaux créés par les Musulmans et les Chrétiens depuis plus d’une décennie, Henri Agnel et ses musiciens ont choisi de suivre les Séfarades dans leurs voyages obligés, à travers leurs chants d’amour.
Pour interpréter ce répertoire médiéval singulier, les quatre musiciens-chanteurs ont recours à une instrumentation colorée, à des techniques de chant, des pratiques de jeux et d’improvisation que les traditions orales balkanique et arabo-andalouse ont enrichi…

Une version live

ÉCOUTE :
Los Kaminos // extrait de Los Kaminos de Sirkedji (Chants séfarades de l’Andalousie aux Balkans) // Ensemble Henri Agnel Label Accords Croisés- 2016 3’55
Henri Agnel (cistre, cétéra, oud, rebec, zarb, chant basse)
Idriss Agnel (ourdou, zarb, cajon, harmonium, cistre, chant tenor)
Milenia Jeliaszkova – chant soprano, arrêts
Milena Roudeva – Chant alto baryton, arrgts
Mayssa Issa version live