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Le temps, l’espace, de rêver, créer, respirer

Chroniques d’un jour Bleu – Nos identités plurielles / Mes identités musicales

Radio libertaire – 19 novembre 2023

Chères auditrices, chers auditeurs,

Alors que les conflits grondent sur la planète et que nous sommes parfois submergés de demandes de prise de position, j’aimerais nous emmener en voyage dans la pluralité de nos êtres, et dissoudre le temps d’une chronique le voile de l’individualisme matérialiste porté par la politique économiste actuelle.

Empruntons un petit chemin, une petite allée alors que le soleil nous réchauffe les corps et les cœurs de sa lumière jaune, de ses lumières rosées, de tout son être bienveillant.

Nos identités plurielles, derrière ce mot identité mon esprit colle de suite le mot « carte ». « Carte d’identité » : un bout de papier plastifié qui rappelle notre nom, prénom, nous donne un numéro. Elle porte les stigmates des contrôles de faciès, elle nous emporte doucement vers le numérique et le joyeux contrôle des humains par les humains en utilisant la puissance des machines. Recherche de pouvoir absolu sur l’autre. Carte d’identité, pour, contre, appartenance ? pays ?

Bon… cela ne m’apporte que peu de tranquillité et de poésie.

Au-delà des mers, des terres, des familles, de nos ADN, qui font que chacun de nous est pluriel (ne serait-ce que parce que nous avons deux parents), au-delà dans l’infiniment petit ou si l’on regarde depuis l’infiniment grand, « Nous Sommes » une myriade d’atomes qui s’organisent pour donner un corps humain. Le départ le 13 octobre 2023 d’Hubert Reeves, nous laisse vibrant ce message « nous sommes des poussières d’étoiles ».
Nous pouvons lire dans « Patience dans l’azur », un des grands livres de vulgarisation d’Hubert Reeves, publié en 1982 : « Nous sentons notre parenté profonde avec tout ce qui existe dans l’univers. L’homme « descend » du primate, le primate « descend » de la cellule, la cellule « descend » de la molécule, la molécule « descend » de l’atome, l’atome « descend » du quark. Nous avons tous été engendrés par l’explosion initiale, au cœur des étoiles et dans l’immensité des espaces intersidéraux. »
Au sujet de ces étranges composants de nos corps, de nos jours et de nos nuits, ces particules qui brille lorsque nous chantons, qui créent parfois des accords de lumière, les photons, voici ce que dit Hubert Reeves : « La durée de vie est un facteur important quant au rôle que peut jouer une particule. Le photon (ou grain de lumière) est vraisemblablement éternel. Il est présent à tous les niveaux de la réalité, aussi bien au moment de la formation des noyaux qu’au coucher du Soleil quand il réchauffe votre âme. »
Bien sûr nous ne sommes pas composés seulement de photons, et mon investigations scientifique s’arrête là aujourd’hui. Nous sommes déjà multiples à l’intérieur de notre corps.
Alors comment ne pas être multiples à l’extérieur de notre corps ?

Identité :
Je suis, nous sommes
un corps qui a un nom, une heure de naissance
je suis, nous sommes,
pensées qui évoluent, s’entrechoquent, se croisent
je suis, nous sommes
émotions qui nous traverse

Je suis, nous sommes,
musique, art…

Je me suis rendue compte en écrivant et travaillant sur cette chronique que le mot Identité, chez moi, porte à sa suite ce verbe ÊTRE, qui se décline avec cette phrase : Je suis, Nous sommes…

Et si nous passions quelques minutes du côté d’autres langues latines comme l’espagnol ou l’italien.
Je prendrai l’exemple de l’espagnol. Il y a deux verbes ÊTRE comme certain ont pu l’étudier. SER et ESTAR.

Il y a un être permanent : celui où je suis née, comment je m’appelle c’est le verbeSER
Et un être impermanent : mon état émotionnel, le lieu où je suis actuellement, etc.
C’est le verbe ESTAR

Nous sommes bien deux ÊTRES !

Je ne pouvais pas passer à côté de la définition de mon cher Petit Robert qui m’a dit :
Identité : caractère de ce qui est identique
1- Caractère de deux objets de pensée identique. Identité qualitative ou spécifique. V. : SIMILITUDE
« Les profondes identités de l’esprit, les ressemblances fraternelles de la pensée » (Bourget)
2- Caractère de ce qui est « un » V. UNITÉ
Identité de l’Étoile du Soir et de l’Étoile du Matin (c’est à dire Vénus)
3 – Psycho : Identité personnelles, caractère de ce qui demeure identique soi-même.
4 – Logique : Relation entre deux termes identiques, formule énonçant cette relation. Principe d’identité : « Ce qui est, est, ce qui n’est pas, n’est pas ».
ANTAGONISME : ALTÉRITÉ, CONTRASTE, DIFFÉRENCE.

Identités plurielles semble donc une contradiction, ou peut-être simplement le reflet de la complexité de l’être humain.
Je repartirais de la définition numéro 2 du Petit Robert : Caractère de ce qui est UN.
UN : l’unité, une recherche que beaucoup d’entre nous entreprenons, comment devenir un, comment créer un espace de paix, un espace serein en nous.

Comment notre identité et faite de cette multiplicité de nos expériences, de nos joies, de nos vies, de nos rencontres et de nos créations.

POLY
POLYTYHTMIE
POLYETHNIE
POLYPHONIE

Mon Identité musicale

Plongeons directement dans une poésie de Haiti, avec une chanteuse mythique : Toto Bissainthe.

ÉCOUTE : Papaloko – 6’11’’ – Toto Bissainthe Chante Haïti (1977)
« Papaloko uo sè van / Pousè-n alè / Nous sè papiyon / Na potè nouvèl bay agoué
Papa Loko, tu es le vent /Pousses-nous / Nous sommes des papillons / et nous devons apporter les bonnes nouvelles aux autres »
Avec Mariann Mathéus et Marie-Claude Benoit – et les musiciens de l’ensemble « Chants populaires d’Haiti »

Polyphonie de vie entre les voix, les éléments de la nature représentés, une pulsation ternaire qui nous rappelle le battement du cœur.
Toto Bissainthe car ‘est l’ouverture vers d’autres mondes, vers une musique de révolte, qui porte des messages d’engagement et de valeurs humaines.

Mes identités musicales, ou la recherche du cœur, la recherche de l’unité au travers de la musique. Un parcours sur la planète qui se pose en Argentine, un parcours qui commence avec l’Afrique, celle de Paris et son métissage de musiciens de l’Afrique de l’Ouest.
C’est Rido Bayonne et nous sommes en 1998, je suis à l’École Supérieure Nationale Louis Lumière en section SON, et l’Afro jazz funk me rapte des bancs de l’école. Rido Bayonne et son orchestre où se croisent les plus grands batteurs, bassistes et musiciens africains ou amoureux de ces esthétiques. Rido qui n’écrit pas la musique, qui l’entend. Et crée des polyphonies, polyrythmies complexes sans les organiser sur le papier. Étonnant pour moi qui suis issue de la musique classique, où l’écriture prévaut. C’est la découverte que les musiques traiditonnelles, ou les musiques du monde peuvent passer par l’oralité avec une grande complexité.
Je vous partage une anecdote :
Lorsque lors d’une répétition, nos partitions étaient restées figées alors que la musique avait évoluée dans la tête de Rido, que nous pensions avoir raison car c’était écrit, Rido disait alors cette phrase qui est restée importante pour moi, et qui justifie toute la vie de la musique, ses mouvements, sa « non perfection » qui nous rend humain et non des machines : « Le monde tourne et se transforme, ma musique aussi ». Alors avec un crayon c’était l’heure des ratures, de la destitution de l’absolu de l’écriture, et de l’adaptation à une vie humaine.

ÉCOUTE : Éclaircie de Rido Bayonne extrait de son album Alliances

Mon identité : je suis Ninon Valder, et pour reprendre l’espagnol Soy Ninon Valder. Mais chaque instant me transforme, informe qui je suis, transforme cet être, tisse des figures, dessine sur le métier à tisser de ma vie des paysages nouveaux, des visages désirés, reprenant les fils de couleurs, les mélangeant à de nouveaux fils d’or.
Mes identités Musicales sont le reflet du chemin que la musique m’a fait prendre pour rencontrer une paix, une unicité dans un Être pluriel, intemporel, et constant, en mouvement, changeant.

Je n’ai pu trouver mieux dit et écrit que ce que Rainer Maria Rilke a dit, lui au sujet de la poésie, mais je pense que cela vaut pour la musique :

« Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir repenser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à ses parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles, – et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs eux-mêmes ne sont pas encore cela. Ce n’est que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, du milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers. » Rainer Maria Rilke

Dans cette recherche musicale autour de la planète, la recherche d’un point précis à l’intérieur de nous, qui est le même partout, un lieu de sincérité, de lumière, de photons et de poussière d’étoiles, j’ai fini par trouver un espace dans la musique argentine.
Alors je vous partage en chantant et en jouant

ÉCOUTE : El Seclanteño de Ariel Petrocelli interprété par Ninon VALDER – Live au studio

Alors chers auditeurs, chères auditrices, je vous incite à chercher inlassablement l’équilibre, et votre propre unité, votre propre identité, proche de cette matière analogique qu’est notre corps, nos émotions, nos respirations.
Vous encourager à écouter l’autre, vous-même, à aimer les différences car nous pouvons les aimer nous n’avons pas à les « être », et créer une grande chaîne qui nous fait marcher vers la Paix.